INSPIRation

PROTégeons la TRADITION

Tatsuhito Imamura, l’un des derniers fabricants d’armures kacchu-shi, incarne le lien entre le design japonais traditionnel et les communautés qui perpétuent cet art pour les prochaines générations.

Si le lien entre un véhicule Mazda moderne et une vénérable armure japonaise ne saute pas aux yeux, les deux sont néanmoins liés par une philosophie de conception qui insiste pour que forme et fonction aillent de pair. Le travail habile des artisans takumi marie émotion et aspect pratique, que ce soit pour incarner le plaisir de conduire ou pour survivre aux rigueurs du champ de bataille féodal. Si les takumi de Mazda insufflent la vie au métal pour le plaisir des communautés de conducteurs du monde entier, ce sont les communautés elles-mêmes qui revitalisent un univers presque oublié, celui de l’atelier de l’armurier.

« Le rôle du kacchu-shi a dû évoluer. »

Tatsuhito Imamura

Dans une banlieue calme et verdoyante de Kyoto, à l’orée d’une forêt vénérable où repose un empereur, le doux tap-tap-tap du marteau sur le métal annonce la présence d’une tradition artisanale centenaire. C’est le domaine du kacchu-shi et c’est là, dans l’atelier de l’armurier, qu’un maître artisan perpétue un savoir-faire ancien.

Tout est dans les détails : l’armure japonaise était une « représentation condensée des pensées et émotions des soldats », explique Imamura.

Il appartient à la quatrième génération d’armuriers de sa famille. Son pseudonyme d’artiste, Heian Ju Issui, se traduit à peu près par « celui qui réside dans la vénérable capitale », ce qui le place clairement dans la lignée des maîtres artisans de Kyoto. Il ne fait aucun doute que le Japon, comme Mazda, respecte ses artisans, mais comment un fabricant d’armes médiévales est-il en phase avec le XXIe siècle?

« Le rôle du kacchu-shi a dû évoluer, explique Imamura. Le travail consiste désormais à créer des répliques d’armures anciennes, à restaurer des objets culturels pour les musées et à créer des pièces de cérémonie plus petites pour les festivités de Tango no sekku en l’honneur des garçons et des filles, sans oublier la décoration d’intérieur. Les armuriers sont les descendants des armuriers anciens ou des artisans qui se sont lancés dans le métier après la Seconde Guerre mondiale – ce qui est mon cas. »

Que l’armure, protection indispensable sur le champ de bataille, soit devenue un ornement décoratif recherché n’est pas un concept nouveau. Pendant la paisible ère Edo (1615-1868), il est devenu évident que les armures seraient peu utilisées en combat réel, et on a commencé à les produire et à les considérer comme des objets d’art – à la beauté admirable. « Notre entreprise a été fondée en 1925, mais nos méthodes et nos procédés sont anciens, explique Imamura. La création de ces armures ornementales exige un gros travail d’équipe, avec des artisans de tout le Japon. »

Longtemps après leur achèvement, les créations d’Imamura seront appréciées par plusieurs générations, des parents aux enfants. « Avec le temps, les objets artisanaux fabriqués avec des matériaux de qualité choisis avec soin acquièrent une saveur profonde, explique Imamura. Un casque vieillit au fur et à mesure que votre enfant grandit et, au fil du temps, il devient un ornement unique introuvable ailleurs. »

« Nous devons enseigner par l’expérience et susciter une passion. »

Tatsuhito Imamura

De même qu’un véhicule Mazda sortant de la chaîne de production est la somme des compétences des takumi – du modelage initial de l’argile au travail du tissu et du métal – le kacchu-shi doit suivre plusieurs étapes. La fabrication des plaques d’acier ou de cuivre ; la décoration, à la feuille d’or ou au placage ; et la finition, c’est-à-dire l’assemblage final de l’armure.

Chaque pièce est faite sur commande et il faut compter environ six mois pour une armure de grande taille. La fabrication est un amalgame de plusieurs traditions séculaires qui comprend des éléments de tressage, de laque et de ferronnerie japonaise (du fait de son utilisation primaire).

Imamura s’appuie sur une petite équipe dévouée, dont un jeune apprenti qu’il forme pour reprendre le flambeau de Heian Ju Issui. « Nous ne pouvons espérer préserver et perpétuer l’art du kacchu-shi en donnant un manuel à quelqu’un et en lui disant ‘faites comme ceci’, dit Imamura. Nous devons enseigner par l’expérience… un vrai kacchu-shi doit croire en la fabrication, en la réalisation de beaux objets faits à la main. » Le maître takumi Yutaka Kawano adopte le même principe avec ses élèves, afin que les jeunes générations de concepteurs et d’artistes saisissent bien la philosophie de Mazda en matière de design.


LE MAÎTRE DU MÉTAL

Au siège de Mazda, le maître takumi Yutaka Kawano est expert dans le traitement du métal, ce qui permet d’établir des parallèles avec les designs accrocheurs des véhicules Mazda, tout en préfigurant ceux de l’avenir. Dans son atelier du Design Modelling Studio, Mazda Monde peut voir à l’œuvre le maître du métal qui, à l’aide d’outils adaptés, courbe et façonne des matériaux chatoyants pour créer une sculpture rashin : une pièce unique qui rappelle de façon saisissante les motifs que l’on voit sur les véhicules Mazda. Lire ici l’intégralité de cet entretien.


Comme Kawano, Imamura est passé maître dans l’art de créer des émotions grâce à la forme – on éprouve bonheur, contentement et satisfaction en contemplant une œuvre d’art. Le symbolisme est également présent dans tout l’art japonais et les armures ne font pas exception à la règle. Au combat, les samouraïs étaient très soucieux de leur apparence car ils voulaient être beaux et terrifiants. Sur le champ de bataille, l’armure était l’équivalent d’une tenue de cérémonie et résumait les pensées et émotions des guerriers, explique Imamura. Chaque motif a sa propre signification et chaque élément de l’armure exprime la culture et les valeurs japonaises. L’humble libellule, par exemple, était vénérée, car elle ne recule jamais et va toujours de l’avant. »

« Nous devons révéler au monde la beauté de notre métier, de nos armures et de nos traditions. »

Tatsuhito Imamura

L’art ancien du kacchu-shi suscite des adeptes sur toute la planète et, grâce aux réseaux sociaux, Imamura est en contact régulier avec des passionnés et des clients du monde entier. « Bien des étrangers sont séduits et inspirés par le sens japonais du bushido, explique-t-il. On pourrait dire qu’il s’agit d’un retour à l’amour des Japonais pour la beauté de jadis. » Sur les réseaux sociaux, ses admirateurs qualifient son travail « d’étonnant » et de « vraiment beau » – et ces plateformes numériques font ainsi connaître l’une des formes artistiques les plus respectées au Japon.

De même, avec les armures décoratives créées pour les festivités de Tango no sekku, la fête nationale qui célèbre le bonheur et la santé des enfants, l’artisanat traditionnel des armuriers conquiert de nouvelles générations d’admirateurs, au Japon et à l’étranger.

Dans sa tenue traditionnelle d’artisan, appelée samue, Imamura est agenouillé sur le tatami et façonne un morceau de métal pour en faire un masque de samouraï. « Mon grand-père a fabriqué ces outils, dit-il avec fierté, en montrant les marteaux et les ciseaux propres à son art. Mais qu’en est-il de l’avenir? « Nous devons révéler au monde la beauté de notre métier, de nos armures et de nos traditions, dit-il. C’est ainsi que nous survivrons. »


Texte John Ashburne / Images Tatsuhito Imamura

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La forme et la fonction